Original article in French:
“Désenchantées” : derrière le polar, une ode à la sororité
Ce n’est pas un polar, c’est une autopsie de l’amitié. Dans “Désenchantées”, la disparition d’une adolescente révèle surtout les blessures d’une génération de femmes qui apprennent, 20 ans plus tard, à se réconcilier avec leurs silences. Une mini-série en quatre épisodes, adaptée du roman de Marie Vareille, à découvrir sur La Une et Auvio dès ce dimanche 9 novembre.
À Bouville-sur-Mer, les fantômes portent des maillots de bain et des bracelets d’amitié. Vingt ans après la disparition de Sarah Leroy, la journaliste Fanny Courtin est envoyée par son journal pour sonder l’ambiance de cette petite bourgade, à l’aube de la libération de son assassin. Elle connaît très bien la région : c’est là qu’elle a grandi avec sa sœur Angélique, meilleure amie de la disparue.
Très vite (et fort heureusement), Désenchantées s’éloigne de ce point de départ convenu (la journaliste qui revient dans son patelin d’origine pour enquêter, on l’a vu et revu), pour se concentrer sur une matière bien plus riche : une adolescence figée entre culpabilité et non-dits, un histoire de violences mises sous le tapis, mais surtout de sororité indestructible.
Derrière le vernis du polar, cette mini-série coproduite par France Télévisions et la RTBF signe surtout un portrait vibrant de femmes à travers le temps et une ode à la résilience féminine.
Mettre en scène le souvenir
Racontée sur deux époques, les années 90 et aujourd’hui, l’histoire de Désenchantées ne s’embourbe pas dans des flashbacks pompeux et scolaires (pas de sépia grossier ni de dates).
La mini-série mêle avec une grande fluidité le présent au passé, en s’appuyant sur une conviction personnelle de son réalisateur, David Hourrègue (Germinal, Anaon) : “Depuis que je suis petit, j’ai toujours eu l’impression qu’on pouvait être très impacté par quelque chose qui ne s’était pas encore produit. J’ai appliqué cette croyance toute personnelle lors du tournage et du montage de la série”. Cette approche osée donne à la série une texture presque organique, où le temps ne se déroule pas, il se superpose. La réalisation est fluide et Désenchantées ne souffre d’aucun temps mort.
Une sororité à l’écran et en coulisses
Si Désenchantées part de la disparition d’une adolescente, elle n’est pas un simple whodunnit et ne s’attelle donc pas uniquement à nous raconter qui est responsable de la disparition de Sarah Leroy. L’histoire est ailleurs. Désenchantées est avant tout une histoire de pacte, d’amitié et de sororité. Fanny a quitté Bouville et ses fantômes pour devenir une femme accomplie. Mais en laissant son passé, et sa sœur Angélique, derrière elle, elle a perdu une partie d’elle-même. Contrainte de revenir pour le travail, elle va déterrer de nombreux secrets, mais aussi renouer avec sa sœur.
Amies dans la vie, les actrices Marie Denarnaud et Constance Labbé étaient ravies de collaborer (enfin) ensemble, comme elles l’ont raconté au Festival de la Fiction de La Rochelle : “On avait une amitié, un désir l’une de l’autre, je dirais. On ne se connaissait pas très bien, mais on avait été présentées et on avait échangé des moments plutôt chouettes”, explique Marie Denarnaud (HPI, Comme une ombre).
“C’est comme en amour, il y a des énergies, renchérit Constance Labbé (Balthazar, Cat’s Eyes). Quand j’ai rencontré Marie, bien avant de tourner “Désenchantées”, j’ai vu quelque chose de familier chez elle. Donc quand David m’a parlé du rôle et m’a demandé avec qui je me sentais bien pour jouer, c’était formidable car j’ai parlé de Marie, et c’était aussi la personne à laquelle il avait pensé”.
Ce réel lien entre les comédiennes se ressent à l’écran. Il donne à Désenchantées une intensité émotionnelle rare, loin des amitiés factices qu’on plaque rapidement sur les récits d’enfance.
Les “Désenchantées”, c’est aussi ce groupe d’amies soudées dans les années 90. Celles qui, contre vents et marées, vont former un pacte et protéger l’une d’entre elles contre la violence. Une amitié indestructible, incarnée notamment par Capucine Malarre (Anaon) et Nelligan (Nudes), toutes deux bouleversantes dans ces rôles d’adolescentes meurtries.
Les filles d’hier, les femmes d’aujourd’hui
Dans Désenchantées, les fantômes ne cherchent pas la vengeance, mais la paix. Ce que la série raconte ce n’est finalement pas la disparition d’une adolescente, mais la lente reconstruction de celles qui restent. Fanny, Angélique et les autres ont sur la peau des cicatrices invisibles, héritées d’un âge où l’on croyait encore que l’amitié suffisait à tout réparer.
En filmant leurs retrouvailles, David Hourrègue signe une œuvre profondément féminine, non pas parce qu’elle exclut les hommes, mais parce qu’elle écoute les femmes. Désenchantées parle de transmission, de mémoire et de pardon. Et c’est sans doute pour ça qu’on en sort ému : parce qu’on reconnaît dans ces héroïnes cabossées, quelque chose de nos propres adolescences.
Désenchantées, une série en quatre épisodes basée sur le roman éponyme de Marie Vareille. Avec Marie Denarnaud, Constance Labbé, Capucine Malarre, Nelligan, Jonas Bloquet, Marc Ruchmann, Daphné Girard, Simon Rodzyneck.
La série a reçu le Prix du Jeune Espoir Masculin pour Simon Rodzyneck au Festival de la Fiction de La Rochelle.
Source: rtbf.be
Translated article in English:
“Désenchantées”: Behind the crime story, an ode to sisterhood
This isn’t a crime drama, it’s an autopsy of friendship. In “Disenchanted,” the disappearance of a teenager primarily reveals the wounds of a generation of women who, 20 years later, are learning to come to terms with their silences. A four-episode mini-series, adapted from the novel by Marie Vareille, to be discovered on La Une and Auvio starting this Sunday, November 9th.
In Bouville-sur-Mer, the ghosts wear swimsuits and friendship bracelets. Twenty years after the disappearance of Sarah Leroy, journalist Fanny Courtin is sent by her newspaper to investigate the atmosphere of this small town, on the eve of the release of her killer. She knows the area very well: it’s where she grew up with her sister Angélique, the missing girl’s best friend.
Very quickly (and fortunately), Désenchantées moves away from this conventional starting point (the journalist who returns to her hometown to investigate, we’ve seen it before), to focus on a much richer subject: an adolescence frozen between guilt and unspoken secrets, a story of violence swept under the rug, but above all, of indestructible sisterhood.
Behind the veneer of a crime story, this mini-series co-produced by France Télévisions and RTBF primarily delivers a vibrant portrait of women across time and an ode to female resilience.
Staging the memory
Told across two time periods, the 90s and today, the story of Désenchantées doesn’t get stuck in pompous and clichéd flashbacks (no crude sepia tones or dates).
The miniseries seamlessly blends the present and the past, drawing on a personal conviction of its director, David Hourrègue (Germinal, Anaon): “Since I was little, I’ve always had the feeling that we could be deeply impacted by something that hadn’t even happened yet. I applied this very personal belief during the filming and editing of the series.” This bold approach gives the series an almost organic texture, where time doesn’t unfold linearly, but rather overlaps. The direction is fluid, and Désenchantées suffers from no dull moments.
A Sisterhood on Screen and Behind the Scenes
While Désenchantées begins with the disappearance of a teenager, it’s not simply a whodunit and therefore doesn’t solely focus on telling us who is responsible for Sarah Leroy’s disappearance. The story lies elsewhere. Désenchantées is above all a story of a pact, friendship, and sisterhood. Fanny left Bouville and its ghosts to become an accomplished woman. But by leaving her past, and her sister Angélique, behind, she lost a part of herself. Forced to return for work, she will unearth many secrets, but also reconnect with her sister.
Friends in real life, actresses Marie Denarnaud and Constance Labbé were delighted to (finally) collaborate together, as they explained at the La Rochelle Fiction Festival: “We had a friendship, a desire to work with each other, I would say. We didn’t know each other very well, but we had been introduced and had shared some pretty great moments,” explains Marie Denarnaud (HPI, Comme une ombre).
“It’s like in love, there are certain energies,” adds Constance Labbé (Balthazar, Cat’s Eyes). “When I met Marie, long before filming ‘Désenchantées,’ I saw something familiar in her. So when David talked to me about the role and asked me who I felt comfortable acting with, it was fantastic because I mentioned Marie, and she was also the person he had in mind.”
This genuine connection between the actresses is palpable on screen. It gives Désenchantées a rare emotional intensity, far removed from the artificial friendships often superficially depicted in coming-of-age stories.
“Désenchantées” is also about this close-knit group of friends in the 90s. These girls, against all odds, form a pact and protect one of their own from violence. An indestructible friendship, embodied notably by Capucine Malarre (Anaon) and Nelligan (Nudes), both captivating in their roles as wounded teenagers.
The girls of yesterday, the women of today
In Désenchantées, the ghosts don’t seek revenge, but peace. What the series ultimately tells is not the disappearance of a teenager, but the slow reconstruction of those who remain. Fanny, Angélique, and the others bear invisible scars, inherited from an age when they still believed that friendship was enough to heal everything.
By filming their reunion, David Hourrègue has created a profoundly feminine work, not because it excludes men, but because it listens to women. Désenchantées is about transmission, memory, and forgiveness. And that’s undoubtedly why it’s so moving: because we recognize in these flawed heroines something of our own adolescence.
Désenchantées, a four-episode series based on the novel of the same name by Marie Vareille. Starring Marie Denarnaud, Constance Labbé, Capucine Malarre, Nelligan, Jonas Bloquet, Marc Ruchmann, Daphné Girard, and Simon Rodzyneck.
The series received the Young Male Talent Award for Simon Rodzyneck at the La Rochelle Fiction Festival.